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B E T A V I L L E http://betaville.org/
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+ de presse
Betaville, métabidouille (Libération, 20 septembre 2002)
betaville.org (Libération, 15 février 2002)
La musique à voir (Libération, 21 septembre 2001)
L'Otan, véritable logiciel de la pensée (Politis, 20 septembre 2001)
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Transfert
n°23, avril 2002
artistes programmeurs
Les langages de la création
Ils sont graphistes, musiciens, architectes, spécialistes du
multimédia. Et ne se contentent plus d'utiliser les logiciels standards.
Ils programment. Seuls, à l'aide de manuels ou lors d'ateliers de
formation d'un genre particulier. Comme ceux proposés par l'association
Betaville, fondée par Christophe Buffet et Anne Laforet.
Par Anne Lindivat, photos Pierre-Emmanuel Rastoin
Jeudi 21 février, à Saint-Ouen, dans la banlieue parisienne. Dans l'une
des salles du centre Mains d'oeuvres, «un espace de résidence, de
diffusion, de rencontres et d'expérimentation», une quinzaine de jeunes
créatifs observent avec attention l'interface du programme projeté sur
l'un des murs de la pièce. On y distingue de simples rectangles reliés
par des traits. Les intervenants, Adrian Ward et Alex McLean, sont
anglais. Ils expliquent le fonctionnement des logiciels de musique
qu'ils ont créés: ces programmes permettent aux deux complices, qui tout
en parlant, pianotent sur leur ordinateur portable respectif, de
déclencher des samples. Ces sons parviennent jusqu'à un serveur commun,
où un logiciel les synchronise de façon à ce qu'ils s'adaptent au
rythme. Les participants écoutent, attentifs, et prennent des notes.
Comme les intervenants, ils possèdent tous leur propre ordinateur
portable. Un Mac: ibook ou titanium. Du beau matériel pour des artistes
pas forcément riches, qui ont fait de l'ordinateur leur outil de
travail. Ils sont venus à Saint-Ouen pour apprendre comment fonctionnent
DBN ou Max, deux langages de programmation. Et pouvoir, ensuite, créer.
Organisé par deux créatifs, Anne Laforet de Toulon et Christophe Buffet
de Paris, cet atelier réunit des gens de toutes nationalités: française
bien sûr, mais aussi canadienne, espagnole, suisse, anglaise. Certains
sont graphistes, d'autres vidéastes, d'autres musiciens, programmeurs...
Tous partagent la même passion pour le multimédia. Et tous ont déboursé
60 euros pour apprendre ou progresser dans la programmation
informatique. En suivant les indications des intervenants ou,
simplement, en observant le travail des autres.
Max Méthode Assimil
L'atelier se découpe en deux parties: la première journée est dédié à la
formation sur DBN (design by numbers), un langage de programmation
inventé par John Maeda, professeur au fameux Massachusetts Institute of
Technology (MIT), et destiné à créer des animations interactives
dynamiques (voir Transfert n°17). Si une journée ne suffit pas à
maîtriser DBN, les participants qui font leurs premiers pas en
programmation explorent les possibilités et le fonctionnement de ces
langages. «En changeant des paramètres dans des lignes de code et en
constatant l'effet produit, par exemple», explique Joëlle Bitton, l'une
des participantes. Les trois jours suivants sont surtout consacrés à
Max, un langage de programmation «orienté objet», basé sur une interface
graphique. Mis au point par les musiciens de l'Institut de recherche et
coordination acoustique/musique (IRCAM), fondé par Pierre Boulez dans
les années 80, il sert à créer des sons par ordinateur sans recourir à
des instruments. Cette méthode de programmation est axée sur des unités
de programmes (appelés objets), qui comprennent les données et les
algorithmes. La programmation s'effectue en manipulant ces modules à
l'écran, sans recourir aux lignes de code.
Dans les années 90, de nombreux créatifs se sont emparés de Max. Parmi
eux, Netochka Nezvanova. Cette artiste discrète aux créations
multimédias énigmatiques a développé Nato.0+55, une bibliothèque
d'objets dédiés à la manipulation de films, de sons, d'images en 3D en
temps réel à l'intérieur de l'environnement Max. Nato comme Max
fonctionnent uniquement sur Mac. De nombreux musiciens, vidéastes,
graphistes ont étudié ce langage de programmation pour créer, à l'aide
de Nato, des oeuvres mêlant son et images - animées ou fixes - en temps
réel. Comme tout langage basé sur l'objet, Max est relativement facile à
maîtriser. Du moins pour ceux qui travaillent déjà sur ordinateur.
«C'est un langage comme les autres, reconnaît Pedro Soler, l'un des
participants à l'atelier. Il faut l'apprendre comme on apprend le
français. Mais c'est bien plus simple, parce qu'il y a des règles et pas
d'exception.» Les adeptes de Max l'exploitent de diverses manières.
George Issakidis, ancien membre du groupe Les Micronauts, l'utilise
pendant ses spectacles. «Je détestais les concerts, parce qu'il fallait
brancher et débrancher les synthétiseurs à chaque fois, souligne le
musicien. Maintenant, je joue et je compose avec mon portable. Pendant
mes concerts, les sons déclenchent des images qui, à leur tour,
déclenchent des sons.» D'autres artistes intégrent des capteurs - ils
détectent les mouvements, les vibrations, la chaleur... - à leurs
oeuvres multimédias. Lors d'un atelier organisé l'été dernier à
Barcelone, un collectif d'artistes internationaux avait exposé un
poisson rouge. Filmés par une caméra numérique, les déplacements de
l'animal dans son bocal déclenchaient des bruits et des images projetées
sur un moniteur. Le principe: un logiciel de tracking repérait les
pixels rouges du poisson suivi par la caméra. Les coordonnées (abcisses
et ordonnées) de ces pixels correspondaient à des sons et à des images,
qui se déclenchaient en temps réel au gré des déplacements de
l'animal...
L'art et la manière
Aujourd'hui, de plus en plus d'artistes refusent de se contenter des
logiciels dédiés au dessin, aux effets spéciaux ou au sampling. Ils
préfèrent créer leurs propres outils, quitte à consacrer des heures
d'apprentissage à la programmation. Une démarche fructueuse: ils
s'investissent plus intimement dans leur travail. «Il existe des tas de
programmes informatiques très intéressants mais, pour aboutir à une
expression personnelle, il faut connaître le code, analyse Pedro Soler,
artiste multimédia barcelonais membre de l'association fiftyfifty,
elle-même organisatrice d'ateliers. Quand on crée, on peut penser à
l'image, au son et au code en même temps, ce qui est impossible si on ne
maîtrise pas la programmation.» Une conception que partage George
Issakidis.
«Je crée mon violon, ma batterie, ma propre caméra, explique le
musicien, qui a passé trois mois eul chez lui, plongé dans des livres,
pour apprendre la programmation. Je peux sans doute faire la même chose
sans programmer mais, depuis que j'ai cette possibilité, mes créations
sont plus intimes. J'ai une réelle liberté pour fabriquer mon outil. Je
suis à la fois le musicien et le luthier.» La programmation informatique
serait-elle en passe de devenir un nouvel outil de création artistique ?
Sans doute. Cette méthode de travail fédère en tout cas des artistes de
diverses nationalités et disciplines autour de communautés informelles.
Entre deux ateliers, leurs membres communiquent par mail pour enrichir
les langages de programmation ou pour s'entraider en cas de difficultés.
«Pour apprendre à programmer, il suffit d'être motivé et de posséder un
ordinateur, mesure Pedro Soler. Le pouvoir de création de chaque
individu n'a jamais été aussi fort.»
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en savoir plus
http://www.fiftyfifty.org
Très active, l'association barcelonaise fiftyfifty organise des ateliers
d'informatique et de nombreuses performances en Espagne. Pedro Soler, Un
de ses membres fondateurs, participe aussi à la sélection des oeuvres
multimédias du fameux festival Sonar, qui se déroule chaque année à
Barcelone. Nato.0+55 est disponible en téléchargement depuis le site de
fiftyfifty.
http://betaville.org
Le site de l'association d'Anne Laforet et Christophe Buffet publie les
dates et programmes d'ateliers organisés en France ou à l'étranger. Il
indique une multitude de liens vers des sites de créatifs de toutes
nationalités.
http://www.slub.org
Le site des anglais Adrian Ward et Alex McLean propose quelques extraits
de leurs compositions musicales.
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http://betaville.org/